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La Revue mauve, 25 juin 1898.


NOTRE ENQUETE SUR L'AME BELGE

J.-K. HUYSMANS


Définir l'âme belge ! Mais il faudrait pour cela la connaître et je ne la connais pas ! J'aime beaucoup la Belgique où j'ai passé de clémentes heures, mais où j'ai surtout vécu avec ses monuments et ses tableaux, heureux justement de vaguer, solitaire, dans ses églises et ses musées.

Je ne puis donc rien définir ; ce que j'entr'aperç:ois seulement — au point de vue religieux et artistique — c'est une jeunesse belge, plus enthousiaste, plus probe, plus vivant que celle de France. Cela semble surtout ressortir de l`examen des jeunes revues littéraires et catholiques, autrement courageuses et tenaces et de plus large esprit que les nôtres. Mais c'est évidemment un tout petit point dans l'espace d'un pays. Quant au bourgeois belge, il ne me semble guère différer du bourgeois français. Tous deux sont également ravis de saccager et de salir ce qui est beau, de créer des boulevards Haussmann et des avenues Anspach. Ils ne m'intéressent guère — et je presume que la bassesse des idées et que la passion du lucre sort les mêmes sur les dux sols.

C'est de l'ame humaine — pas plus belge que française — l'âme pharisienne de tous les pays.

En Somme, le voyageur qui parcourt la Belgique a la sensation d'une placidité un peu lourde, mais reposante et aimable. De silencieuses promenades à Anvers et à Bruges me paraissent être le meilleur remède à proposer aux gens de lettres parisiens surmenés par trop de travaux.

La Belgique, décor de paix et de bain de bonne grace !

C'est ce que je puis en dire de mieux, n'est-ce pas ?